Souvent je suis passée devant le Grand Palais affichant l'exposition Picasso-Mania. J'ai été étonnée de constater le peu de monde qui s'y pressait : les expositions du Grand Palais attirent pourtant la foule. Une belle journée ensoleillée de décembre j'ai décidé de m'y rendre. Aucune file d'attente, personne, pourtant (le règlement c'est le règlement !) obligation de parcourir seule le long zigzag délimité par des cordes. Sur le perron les militaires Vigipirate papotent.
Enfin une visite qui s'annonce tranquille et agréable. Mais, pourquoi si peu de monde ? Peut-être parce que cette exposition est très controversée, que la critique n'est pas unanime, et que le musée Picasso vient de rouvrir ses portes.
Dans la première salle c'est Picasso lui-même qui nous accueille, figé sur son magnifique autoportrait bleu. Il s'est peint en 1901, il n'avait que vingt ans. Il se représente plus âgé, émacié, comme si le malheur allait le poursuivre longtemps, le buste large comme les peint Titien. Dans la salle suivante, dix huit artistes et architectes contemporains, filmés en portrait par Diana Widmaier-Picasso la petite fille du maître, expriment , l'un après l'autre, leurs sentiments et témoignent de l'influence de Picasso sur l'art contemporain.
Le parcours est ensuite un mélange thématique et chronologique, riche des œuvres de Picasso, parfois regroupées sur un mur, confrontées à celles d'artistes contemporains.
Aux grandes phases stylistiques et à certaines œuvres de Picasso répondent des œuvres de David Hockney, Jeff Koons, Adel Abdessemel, Andy Warhol, Jesper Johns, Antonio Saura, Jean Michel Basquiat…etc.
C'est après la seconde guerre mondiale que Picasso accède véritablement à une très grande notoriété. Son engagement au parti communiste français et dans le mouvement pour la paix font de lui une figure majeure de la vie politique et intellectuelle de cette période. "Guernica" peint en 1937 acquiert le statut d'icône. A partir de 1960 les artistes commencent à être fascinés par Picasso et par ses deux œuvres emblématiques : "Guernica" et "les Demoiselles d'Avignon" . Elles ne sont pas présentes dans l'exposition, bien sûr, mais sont fortement évoquées
Les Demoiselles d'Avignon 1906 - (244X234cm) huile sur toile - Guernica 1937 (349x777cm) huile sur toile
Je ne reviendrai pas sur la biographie très connue de Picasso . Je ferai juste une petite parenthèse sur la période des "Demoiselles".
Au salon d'Automne 1906, autour des "Tahitiennes" de Gauguin, se trouvent des pièces océaniennes et africaines qui bouleversent Matisse, Derain et Picasso. C'est à partir de là que Matisse et Picasso intègrent peu à peu l'art nègre dans leur création.
Au salon des Indépendants de 1906, Matisse expose "le Bonheur de Vivre" (175x241cm), il est à la pointe de l'avant-garde.
La même année, au "Bateau Lavoir " Picasso prépare sa réponse : "le Bordel d'Avignon" ( 244x234cm - Avignon en souvenir de la carrer d'Avinyò de Barcelone, célèbre pour son bordel, près de laquelle Picasso habitait) . Initialement, il veut représenter un marin dans un bordel entouré de cinq femmes, puis y faire entrer un étudiant en médecine portant une tête de mort. Le marin et l'étudiant disparaitront laissant cinq femmes, seules, debout, nues, certaines portant des masques nègres. Le titre sera changé en "les Demoiselles d'Avignon" par André Salmon lors du salon d'Antin de 1916 où la toile est montrée pour la première fois. "Les Demoiselles d'Avignon" marquait une rupture stylistique et conceptuelle qui annonçait l'avènement du cubisme et conduirait à l'abstraction.
Dans cette exposition extrêmement touffue, j'ai admiré la centaine d'œuvres de Picasso, dont certaines méconnues, j'ai aimé les œuvres d'Antonio Saura, de David Hockney, de Kippenberger. J'ai détesté l'horrible "Qui a peur du grand méchant loup ?" immense accumulation d'animaux empaillés.
Mais en définitive les images que je conserve de cette visite, sont avant tout les œuvres de Picasso.
Alexandre Prouvèze, dans TImeOut résume parfaitement ma pensée :
"Pourquoi Picasso gagne-t-il systématiquement ? Où est sa botte secrète ? A cette question, l’exposition apporte une réponse. Certes, implicite. Mais ce qui crève finalement les yeux, c’est que cette puissance de l’art de Picasso tient avant tout à sa personnalité, à son humour, sa joie de vivre, son érotisme, son sens de l’excès. A sa spontanéité, aussi. Quelques instants passés ici devant ses portraits de femmes suffisent d'ailleurs à faire éclater la force séductrice et virile de son œuvre". Au bout du compte, le dialogue le plus fécond de ‘Picasso.Mania’ semble se tenir dans l’une de ses dernières salles, présentant la série de dessins pornographiques ‘Raphaël et la Fornarina’. Et il a lieu entre Picasso et, non pas l'un de ses successeurs mais son prédécesseur du XVIe siècle, le peintre Raphaël. "
Une dernière remarque : pourquoi Picasso-Mania ? Le titre s'inspire de la phrase du maître "je peins, c'est une manie".
EXPOSITION JUSQU'AU 29 FEVRIER 2016, à voir pour se faire sa propre idée.
Statue de Maurizio Cattelan 1998 - Fibre de verre peinte, mousse expansive, plastique acier et vêtements. Au fond Yan Pei Ming - Portrait de Picasso, huile sur toile.
Mur d'oeuvres inspirées par Picasso, Warhol, Christo, Tinguely, Arman, Twombly, Lichtenstein, Wilfredo Lam, Alechinsky, Tapies, Hockney, Rauschenberg, Pignon, Niki de St Phalle etc......
David Hockney - Artiste et modèle 1973/74 - Blue guitar 1982 polaroids composite - Mother 1985 collage photographique
Richard Prince 2011 - sans titre Picasso - Impression jet d'encre, pastel gris, acrylique et fusain sur toile
Jeff Koons - ANtiquité 2011 - collage - aphrodite romaine, sculpture Papouasie, version d'Adonis et Venus de Titien, le tout recouvrant un "Baiser" 1969 de Picasso
Rudulf Baranik 1967 - Mettez fin maintenant à la guerre du Viet Nam Lithographie - Léon Golub - Viet Nam II 1973 acrylique sur toile
"Qui a peur du grand méchant loup ?"
Inspiré par Guernica, Adel Abdessemed évoque les massacres d'animaux commis quotidiennement dans nos sociétés modernes. Il utilise dans un format presque identique à celui de Guernica (3,63 x 7,70 x 0,40) - animaux naturalisés, acier , fil de fer - 2011-2012
PICASSO - Dora Maar 1937 huile sur toile - Jacqueline lithographie - Jacqueline aux cheveux lissés lithographie
Roy Lichtenstein - Tête de pinceau sculpture - Femme au chapeau fleuri 1963 peinture acrylique sur toile
Errò - (Gudmundson Gudmondur dit) - Le point de fusion Picasso 2014 - Peinture glycerophtalique sur toile
Picasso - L'ombre de la chambre Villa Californie 1953 - Huile, gouache, fusain sur toile - Minotaure à la cariole 1936 huile sur toile