L'ESPACE ET LE SILENCE
Le silence... c'est exactement ce que l'on éprouve devant les grandes toiles de Zao Wou-Ki. Le silence ... mais aussi la profondeur des vides qui nous engloutissent.
C'est ce silence que je vous propose. Les images seront seulement ponctuées de quelques extraits du livre "Autoportrait" de Zao Wou-Ki et Françoise Marquet publié chez Fayard en 2003.
Un merveilleux coup de cœur !
photos MP
"Mes amis, historiens d'art ou conservateurs de musée, disent que c'est à partir de 1954 que je suis devenu, comme on dit, un "peintre abstrait". Je n'ai pas cherché à l'être. Le problème d'abstraire ma peinture de l'influence de la réalité s'est imposé comme une nécessité".
"A partir de ces années je me suis laissé submerger par ma liberté, devenue mon seul guide car je n'avais plus aucun souci d'ordre technique. Je me laissais seulement aller au plaisir de la peinture"
1957 - Nous deux - Huile sur toile - Le titre évoque le poème d'enri Michaux écrit à la mort de sa femme. Elle exprime la douleur de la séparation et la perte.
"Je me rendis compte qu'il n'était pas nécessaire de poser les objets, les signes dans l'espace, comme je l'avais fait précédemment. Il n'y avait plus de frontière entre le signe et la couleur, et me fut révélé le problème de la profondeur de l'espace par la conjonction des diverses tonalités".
"Je décidais de ne plus donner aucun titre à mes tableaux. Depuis 1958 j'inscris au dos la date à laquelle j'estime qu'ils sont terminés.
"En 1960 on opéra May de la thyroïde. Elle était malade depuis l'enfance, de façon intermittente. Je découvris alors ce dont je ne soupçonnais même pas l'existence : le déséquilibre mental."
"Toutes ces années furent pour moi, et surtout pour May, un véritable cauchemar. J'ai conservé de cette époque l'image d'un homme en train de se noyer, comme aspiré au fond par une force invincible".
01.04.76 - Huile sur toile (Hommage à André Malraux disparu le 23 Nov 1976 à qui Zao Wou-Ki doit d'être citoyen français depuis 1964)
"Ce que je sais aussi c'est que j'aime de plus en plus peindre, que j'ai de plus en plus de choses à dire, avec l'incessante peur de me répéter. Je peins ma propre vie mais je cherche aussi à peindre un espace invisible, celui du rêve, d'un lieu où l'on se sent toujours en harmonie, même dans des formes agitées de forces contraires".
"Maintenant je ne cherche rien d'autre qu'à faire un tableau, sous l'emprise du moment et de la couleur, où représenter à la fois tout et rien, avec économie, parcimonie même. C'est du moins la leçon que j'ai tirée de ce tableau de Matisse, "La Fenêtre" auquel j'ai voulu rendre hommage dans une peinture récente. J'ai essayé d'y mêler la terre et le ciel, inspiré par l'ouverture suggérée où j'ai voulu m'engouffrer. C'est un chemin vers l'infini par le seul recours de la couleur."
"Me sentant dégagé de la Chine, je pouvais aller à sa rencontre. Si en apparence, les gestes que j'accomplissais étaient les mêmes, mon état d'esprit avait changé à tel point que ces larges feuilles avec de grands espaces vides tout blancs me montraient un espace, de multiples espaces auxquels je n'avais pas songé. J'avais le sentiment de devenir devant elles plus libre, plus lucide. Par moments je peignais le silence... Je découvrais la lumière de la blancheur du papier et la douceur infinie de l'apaisement après l'orage".
1986 (cette oeuvre - encre sur papier - est la première à explorer l'espace dans de telles dimensions)
2005 - Le Temple des Han ( huile et fusain sur papier) Zao Wou-Ki revient sur l'héritage du passé et sur les ruines
"J'ai appris à lire quand j'apprenais à écrire. Je ressens ces deux expressions comme étant de même nature, physiquement. Elles expriment l'une et l'autre le souffle de la vie, le tremblement du pinceau sur la toile ou de la main sur le papier pendant que se forme le caractère. Elles évoquent sans représenter, elles révèlent les sens cachés, ceux de l'univers."
EXPOSITION JUSQU'AU 6 JANVIER 2019 - MAM PARIS
QUELQUES DATES
1921 - Naissance de Zao Wou-Ki à Pékin dans une famille très riche. Son père, souvent absent, dirige une banque à Shanghai, grand amateur de peinture ancienne. Education très stricte par sa mère.
1935 - Il entre à l'école des Beaux-Arts de Hang-Tcheou où il opte pour la peinture occidentale.
1938 - Il épouse Lalan, elle a 16 ans, lui 17. Ils ont un fils Zhao Jialing
1940 - Il termine ses études et est nommé lecteur dans l'école qui l'a formé
1948 - Arrivée à Paris le 1er avril avec Lalan. Elle le quitte en 1949
1951-1952 - Voyage en Espagne et en Italie
1957 - Voyage aux Etats-Unis
1958 - Voyage au Japon. Il épouse May, ils ont une fille Sin-May Roy
1964 - Il devient citoyen français
1969 - Voyage au Québec, aux Etats Unis, au Mexique
1970 - Il est nommé professeur à Salzbourg
1972 - Décès de May
1975 - Il épouse Françoise Marquet
1976 - Exposition au Palais de Tokyo
1980 - Est nommé professeur de peinture murale à l'Ecole nationale supérieure des arts-décoratifs. Son talent de peintre est reconnu dans plusieurs pays d'Europe, ainsi qu'aux Etats Unis et au Mexique
1981 - Exposition au Grand Palais à Paris
2006 - Zao Wou-Ki est atteint de la maladie d' Alzheimer. Il décède en 2013. Il est enterré au cimetière du Montparnasse.
A LIRE - Autoportrait ZAO WOU-KI - Editions Fayard