De passage en Touraine mes pas me mènent au Prieuré de Saint-Cosme. Il s'y tient, dans l'ancien réfectoire, une exposition d'Ernest Pignon-Ernest (aucun lien avec Edouard Pignon) dont je connais peu les oeuvres. Je pénètre dans un très joli parc fleuri, passe devant la maison où a séjourné Ronsard, parcours les ruines de la chapelle pour atteindre le réfectoire.
Je n'ai pas ouvert le petit livret que l'on m'a remis à l'entrée, je veux d'abord "voir".
L'exposition s'appelle "Extases". Je découvre, en entrant, de magnifiques dessins (je comprendrai bientôt qu'ils sont préparatoires). L'extrémité du réfectoire est dans l'obscurité totale, puis un éclairage fait surgir une femme à demi couverte, la tête rejetée en arrière, bras au ciel dans la position d'un crucifié. C'est un portrait grandeur nature, dessin serigraphié collé sur un support dur, ondulé et corné, posé sur un miroir d'eau. Le reflet donne la sensation que la femme est en lévitation. Puis une seconde femme s'éclaire, aussi douloureuse mais offerte. Une troisième, une quatrième jusqu'à la septième, toutes en état de souffrance. Ce sont presque des sculptures. La mise en scène porte au recueillement. Le mysticisme se confirme avec la flamme rouge qui, au final, s'allume au fond du décor comme la veilleuse des églises indiquant la présence divine.
Je demeure longtemps à admirer les apparitions de ces femmes torturées, je suis fascinée mais toujours sans comprendre qui elles sont, qu'importe l'émotion est là tellement forte qu'il me faudra faire un effort pour partir.
Plus tard, la lecture du livret confirme mon impression mystique. Ernest Pignon-Ernest a représenté sept femmes en état d'extase, sept femmes "épouses du Christ" : MadameGuyon, Marie-Madeleine, Hildegarde de Bingen, Angèle de Foligno, Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila et Marie de l'Incarnation.
"(...) Comme une quête et un défi, j'ai, en imaginant leur portrait tenté de représenter l'infigurable, cherché comment faire image de chairs qui aspirent à se désincarner, comment exprimer ces contradictions intenses, ces paradoxes spirituels et charnels, ces corps masqués et dévoilés traversés de plaisir et d'angoisse, de désir et de rejet (...)" Ernest Pignon-Ernest
Je veux "revoir" une fois encore, dans le silence et dans le noir, ces femmes en extase, les redécouvrir une à une. Mon émotion est la même et j'aurai, à nouveau, beaucoup de mal à me détacher du lieu.