Passé le hall d'entrée un mur de boites de biscuits rouillées et numérotées arrête le visiteur. Rideau de scène terrifiant qui fait présager ce qui va nous engloutir ensuite. En contournant cet obstacle on perçoit le fracas d'une machine et un bruit de fond, enregistrements de battements de coeurs que l'artiste a collectés à travers la planète : près de 30.000.
Il fait volontairement froid. Des milliers de vêtements sont disposés au sol en alignement de carrés éclairés par la blancheur des néons.
Ma soeur est livide ; ce qu'à voulu Boltanski : "que le public sorte détruit .... que les gens se jettent au sol et crient : je vois enfin".
PERSONNES : le titre de la mise en scène indique l'absence. On pense en premier à la Shoah (je lirai par la suite que le père de Boltanski qui était juif devait se cacher sous le parquet de l'appartement familial pour échapper aux rafles nazies) mais c'est surtout de la mort dont il s'agit, la mort que notre société rend discrète et qui est l'obsession de Boltanski.
On circule au son des battements de coeurs entre les carrés de vêtements, vie et mort se rejoignent. Les vêtements marquent l'absence mais on est obligé de penser au corps qui les ont habités, présence/absence. Nous ne sommes pas spectateurs devant, mais dedans.
Vie-mort, absence-présente, devant-dedans, hasard ou main d'un Dieu signifié par la griffe de la grue qui sans interruption prélève quelques vêtements et les rejette tels des corps désarticulés.
"Arrivé à un certain age, dit Boltanski, on est comme dans la traversée d'un champ de mines, tous les gens meurent autour de nous et l'on ne sait pas pourquoi on y échappe". C'est cette traversée que "l'on voit enfin" sous l'immense voute du Grand Palais.
Mes photos ne peuvent rendre l'atmosphère ni l'émotion que j'ai ressentie, encore présente au moment ou j'écris ce texte.