L'exposition s'est terminée le 21 Janvier 2024, mais elle est présentée actuellement et jusqu'au 9 juin à la Fondation de l'Hermitage à Lausanne.
Nicolas de Staël nait à Saint Pétersbourg le 23 décembre 1913. La veille de Noël il est baptisé dans la cathédrale ou repose les Tsars, tel un prince. Son père, Vladimir de Staël est vice-commandant de la forteresse Pierre et Paul à Saint Pétersbourg, fonction prestigieuse. Veuf et père de deux garçons (14 et 20 ans), il épouse en seconde noce, en 1911 à 58 ans, Lubov Berednikov, 36 ans, divorcée, indépendante et cultivée. Il nait de cette union une petite fille Marina, puis Nicolas et Olga.
Le 8 mars 1917, la révolution éclate, la forteresse du général Vladimir tente de contenir la tempête, mais Saint Pétersbourg est en flamme. La famille fuit, Nicolas a trois ans et demi. Après de longues démarches, ils obtiennent la nationalité Estonienne et en 1920 ils passent en Lituanie puis en Pologne où le général s'éteint en 1921 et Lubov en 1922. Les trois enfants sont recueillis par une amie de Lubov qui les confie rapidement à une famille riche de Bruxelles les Fricero .
Nicolas fréquente deux collèges à Bruxelles, puis l'Académie des Beaux Arts de Saint Gilles avec pour professeur de Vlaminck. En 1934 de Vlaminck lui ouvre les portes de son atelier à Schaerbeek et le fait participer à une fresque sur l'artisanat du verre pour l'exposition universelle de 1935.
En 1935, Staël parcourt la Catalogne, l'Andalousie, l'Espagne puis en 1936 le Maroc ou il rencontre Jeannine Guillou, peintre, et son fils Antek âgé de cinq ans. L'hiver 1938 ils sont à Paris ou Nicolas s'inscrit à l'Académie d'Art contemporain dirigé par Fernand Leger, mais durant des années Jeanine sera son vrai maître.
En septembre 1939 Staël s'engage dans la Légion étrangère, il est démobilisé en septembre 1940.
Les années de guerre sont dures, malgré cela Jeannine donne naissance à une petite fille Anne en février 1942, cette paternité conduit Staël à une nouvelle réflexion sur la peinture : il se tourne vers le portrait mais détruit autant qu'il créait. Les années suivantes le couple se débat dans des difficultés financières et Jeannine est en mauvaise santé. Elle décède, contrainte d'avorter, le 27 février 1946 à la Clinique Baudelocque. Staël étouffe son malheur en congédiant son passé. Le 22 mai 1946 il épouse Françoise Chapouton, ils auront trois enfants.
1950 voit les premiers gages de réussite avec une exposition à New-York en compagnie de Bazaine, Lanskoy, Estérel, Hartung et Lapicque. Staël y accroche trois toiles. Puis le succès vient en France et vide les réserves de son atelier. Le MAM lui achète "Composition". Il rencontre René Char qui le convie au milieu des grands maîtres de la peinture du siècle et lui confie la création de bois gravés pour un livre de poèmes.
En 1952 de Staël achète une maison dans le Lubéron, le Castelet. Il peint les couleurs du Midi et en 1954 il expose chez Paul Rosenberg, c'est un très grand succès commercial.
En 1953, il tombe amoureux de Jeanne Polgue-Mathieu. Il l'emmène avec une amie de René Char, Ciska Grillet, et toute sa famille pour un périple en Italie, Sicile et Toscane. Jeanne est mariée et réside près de Nice. Pour être plus près d'elle le peintre loue un appartement-atelier à Antibes où il vit seul. Il travaille comme un fou, il abandonne les couteaux et les spatules pour du coton ou des tampons de gaze pour étaler la couleur. En Octobre 1953 il fait un voyage en Espagne et au Prado pour voir les toiles de Vélasquez. Mais bien vite il retourne à Antibes, la passion le dévore. Il se sépare définitivement de Françoise.
Au début du mois de Mars 1955, Staël déambule toute une nuit dans Paris avec Antek (il a toujours eu des rapports excellents avec lui) et lui confie "Je ne sais pas si je vais vivre longtemps, je crois que j'ai assez peint. Je suis arrivé à ce que je voulais" Ce dernier mois il a réalisé 350 peintures.
Il dessine pour son ultime tableau "Le Concert", il tend lui-même la toile sur le châssis et la couche au sol. Il applique un fond rouge écarlate à larges coups de brosse et commence à poser le noir pour le piano.
Le 15 mars 1955, Staël brûle sa correspondance, met de côté les lettres de Jeanne, en fait un paquet et va l'offrir à son mari en lui disant "vous avez gagné'. Puis ce même jour, il peint l'énorme contrebasse ocre puis pose les blancs, riches, rutilants, crémeux.
Le 16 mars il continue de brûler des correspondances, écrit à son marchand Dubourg, à son ami Jean Bauret et une troisième lettre pour sauvegarder les intérêts d'Anne sa fille.
Il sort vers 22 h de son atelier, monte sur la terrasse de l'immeuble et se précipite dans le vide.
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Magnifique exposition présentant 200 tableaux, dessins, gravures de façon chronologique, la vie de Staël ne pouvant être séparée de son œuvre. Il cherche sans cesse, oscille entre figuration et abstraction, expérimente, la matière épaisse devient fluide, il change d'outils, de technique, passe du petit tableautin au format monumental. Et nous suivons cette quête riche et complexe, qui n'aura durée qu'une douzaine d'années, avec émerveillement.
Pont de Bercy - 1939 - huile sur contreplaqué - Ce tableau est l'une des rares toiles figuratives des débuts de Nicolas de Stael.