C'est toujours un immense plaisir d'entrer dans le Petit Palais, j'aime son hall somptueux et sa cour intérieur, qui ce jour là était inondée de soleil.
photos MP - cliquer sur les images pour les agrandir
L'exposition "Les bas-fonds du Baroque" s'ouvre sur un espace où, sur les murs, sont reproduites en grand format, des vues de Rome gravées par Giovanni Batista Falda. On peut y admirer également des copies d'antiques redécouvertes dans la cité papale. C'est un décor très impressionnant.
photo MP
La visite se poursuit de façon thématique : le souffle de Bacchus, la bohème des peintres, les charmes et sortilèges, les vices, les plaisirs et les passions, les désordres et la violence, Rome souillée ...
Le Caravage, souvent nommé, n'a par contre pas une seule toile sur les cimaises. Il est pourtant l'inspirateur de nombreux peintres présentés, et sa vie elle-même (ses démêlés avec la justice, ses duels) est très représentative de la vie romaine du XVIIe siècle.
les photos qui suivent proviennent d'Internet
L'exposition réunit des peintres caravagesques, des Bamboccianti et des paysagistes italianisants, venant de France (Valentin de Boulogne, Simon Vouet, Nicolas Tournier, Claude Lorrain), d'Europe du Nord (Pieter van Laer, Gerrit van Honthorst, Jan Miel) ou du Sud (Bartolomeo Manfredi, Lanfranco, Salvator Rosa ou Jusepe de Ribera).
Les caravagesques, qualifiés alors de naturalisti se réclament d'un art d'après nature. Les personnages des premiers plans, qu'ils soient cardinaux ou gueux sont peints "grandeur nature". Le clair-obscur est très utilisé.
Les Bamboccianti sont les suiveurs de Pieter Boddingh van Laer, surnommé "il Bamboccio" (le pantin) en raison de ses difformités physiques. Leurs œuvres, les bambochades, de petit format, figurent des personnages du petit peuple dans un paysage romain.
Les paysagistes italianisants, montrent la Rome pontificale de pauvres mis en scène dans les ruines romaines, symboles de la grandeur de la Ville éternelle.
Les artistes se retrouvent au sein de la confrérie des "Bentvueghels" (les oiseaux de la bande). A leur entrée dans l'association, les membres sont baptisés au vin. Ils sont tous peintres, de nationalité étrangère, jeunes, célibataires, fauchés, amoureux, toujours un verre à la main. Tous peignent "d'après nature" la vie nocturne des tavernes où se retrouvent la misère, la violence, la grossièreté. On y joue, on y boit. Bacchus est à l'honneur.
Manfredi (1582-1622) - Bacchus et un buveur vers 1621 - huile sur toile 132x96cm - Rome Palazzo Barberini
Le personnage fait le geste de la fica avec sa main, le pouce étant placé entre le majeur et l'index. Geste vulgaire qui figure une figue, symbole de la fécondité depuis l'Antiquité, mais aussi image du sexe féminin.
Ce jeune homme en costume féminin fait de la main droite le geste de la fica. Dans la main gauche, il tient deux figues qui renvoient plutôt à l'anatomie masculine. Son petit sourire moqueur apparaît comme une provocation : suis-je homme ou femme ? Ce tableau comme le suivant témoigne de l'atmosphère licencieuse dans la cité papale.
Giovanni Lanfranco (1582-1647) - jeune homme nu sur un lit avec un chat - 1620-1622 - huile sur toile 60x113cm - Londres Walpole Gallery
Le motif du mendiant, singulier au début des années 1610 va se multiplier. Ribera fait ici un véritable "portrait" de cet homme qui tend son chapeau pour recevoir une aumône, il lui donne la dignité qu'il confèrerait à un apôtre.
Poelenburgh peint une scène pastorale : des chèvres et des vaches paissent dans des ruines romaines surmontées d'une statue de vestale. Avec de très bons yeux on peut voir, sous la statue, un personnage de dos qui urine.
Salvator Rosa (1615-1673) Paysage de ruines avec une scène pastorale - vers 1621-1623, huile sur bois, 39x31,3cm Ariccia, Palazzo Chigi, collection Ferrari
Rome est l'une des premières villes d'Europe à prendre des mesures répressives contre la mendicité. En 1581 huit cent cinquante pauvres sont placés dans l'ancien monastère San Sisto, transformé en hospice. En 1587, Sixte Quint interdit la mendicité dans les rues et fait interner les indigents dans un nouvel hospice qui peut accueillir deux mille personnes.
Sébastien Bourdon (1616-1671) mendiants devant un four à chaux - 1636-1638 - huile sur bois - Valencienne musée des beaux arts
Grand maître des bambochades, Pieter Boddingh se représente en sorcier-alchimiste, figure de la mélancolie et du savoir. Au premier plan une nature morte avec un crâne (tradition des vanités). Le sorcier est effrayé par les pattes griffues d'un démon qui apparaissent sur le bord droit du tableau.
Pieter Boddingh van Laer (1599-1642) Autoportrait avec une scène de magie vers 1638 - huile sur toile 78,8x112,8cm
On peut, entre autres belles œuvres, admirer :
Claude VIgnon - (1503-1670) le jeune chanteur - vers 1623 - huile sur toile 95x90cm Paris musée du Louvre
Nicolas Régnier (vers 1588-1667) La farce, vers 1524-1625 - hile sur toile 97x131cm - Stockholm - Nationalmuséum
Angelo Caroselli (1585-1652) Scène de sorcellerie - vers 1615 - huile sur panneau de noyer 66x61 - collection particulière
Angelo Caroselli (1585-1652) Vanité ou Vanitas-Prudenza - vers 1615 - huile sur panneau de noyer 66x61cm - Florence Fondazione Longhi
Exposition riche et complexe. Le décor des salles, miroirs et tentures pourpres, confère une ambiance très sombre dans laquelle il est difficile de voir les détails des tableaux.
Exposition jusqu'au 24 Mai - Petit Palais, av. Winston Churchill - PARIS 8e
photo MP
Cette même exposition a été présentée à la Villa Médicis à Rome du 7 octobre 2014 au 18 janvier 2015. (voir ci-dessous).