Au XIXe siècle, aux Antilles, dans la petite île de Saint-Thomas porte d’entrée des Iles Vierges alors sous la domination danoise, Moïse POMIÉ, époux de Sara MANZANA, dirige à Charlotte-Amalie, un commerce d’export de rhum et mélasse vers Charleston et New-York. D’origine juive française, le couple a fui Saint Domingue vers Saint Thomas au moment de la révolution haïtienne de 1791.
En 1795, Sara donne le jour à une fille Rachel. C’est une mère autoritaire qui souffre de la perte d’un jeune fils. Rachel tisse des liens plus profonds avec son père. Adolescente elle n’a qu’un rêve : vivre à Paris.
En 1817, pour consolider son entreprise, Moïse arrange le mariage de Rachel avec Isaac PETIT, armateur, qui a connu des revers de fortune mais possède encore quelques navires convenables, ce qui manque à Moïse pour transporter ses marchandises. Isaac PETIT, quadragénaire, est veuf d’Esther, la sœur de Rachel. Il reste seul avec deux garçons, David et Samuel, et une petite fille encore bébé Hannah.
Rachel s’attache très vite aux enfants, d’autant plus qu’ils sont ses neveux, et s’accommode de ce mariage forcé : Isaac est un homme gentil. Elle met au monde un garçon Joseph, et deux filles Rebecca Emma (U1868) et Abigail Delphine (1823U1855).
Rachel est profondément touchée par la mort de son père Moïse en 1823. Isaac, décède en 1824 alors qu’elle attend un autre enfant, Samuel.
Le commerce d’export a été reconverti quelques années auparavant en quincaillerie florissante. Rachel reprend la direction de l’affaire, mais les femmes ne peuvent hériter des biens ni de leur mari, ni de leur père. La famille PETIT envoie alors de Paris Abraham Gabriel Frédéric Pizzarro, fils de la sœur d’Isaac. Les Pizzarro sont originaires de Bragance au Portugal, juifs marranes, réfugiés à Bordeaux en 1769 ou ils ont établi un négoce d’import-export vers le nouveau monde.
Quand Frédéric arrive à Charlotte Amalie, il a vingt-trois ans, Rachel en a trente et sept enfants à charge. L’amour ignore les obstacles. Frédéric reste définitivement à Saint Thomas pour diriger la quincaillerie. Rien ne sera facile pour ce couple d’amoureux : aucun rabbin ne voudra les marier (la loi ne permet pas que l’on épouse un membre de sa famille, même un membre par alliance). En 1826, leur premier enfant né hors mariage, Joseph Félix, provoque un scandale dans la petite île.
Après bien des épreuves, leur mariage ne sera officialisé qu’en 1833. Entre temps naissent Alfred Moïse en 1829, Aaron Gustave en 1833 et le 10 Juillet 1830 celui qui retient ici tout notre intérêt :
Abraham Jacob Camille Pizzarro
C’est le passionnant roman d'Alice Hoffman, « Un mariage contre nature », qui m’a portée à m’intéresser de manière plus approfondie au peintre et à ses œuvres. Je connaissais ses paysages, ses scènes de villes, genre dominant de sa production : vues de Rouen, Dieppe, du Havre, de Londres et de Paris reprises de nombreuses fois. J’ai donc eu un grand plaisir à découvrir ses peintures de scènes de vie et ses nombreux portraits de famille. Je ne m’attarderai pas sur son parcours de peintre. Chacun sait qu’il est considéré comme l’un des pères de l’impressionnisme, ami de Corot, avec lequel il étudie, de Cézanne et de Monet. Tenté par le divisionnisme de Seurat, il reviendra vite à l’impressionnisme qui connaîtra sa consécration lors de l’Exposition Universelle de 1900 où le Grand Palais proposait une exposition « Centennale » se terminant par les impressionnistes. Pissarro (il a modifié officiellement son patronyme), Monet, Sisley, Morisot, Boudin etc. connaissaient enfin le triomphe officiel.
Mais revenons à l’enfance de Camille, à Frédéric et Rachel.
Bien qu’enregistré à la synagogue de Saint-Thomas, Camille n’est pas admis à l’école juive en raison du scandale provoqué par ses parents. Il fréquente l’école destinée aux esclaves noirs, tenus par les Frères moraves, missionnaires venus du Danemark. Il apprend l’anglais, le danois et l’allemand. A la maison il parle français. En classe, Camille dessine en marge de ses cahiers. Il chipe papier et pinceaux au magasin de son père, fabrique ses pigments avec des pétales rouges, de la boue, des coquillages etc. Il dessine son île, ses habitants. Son avenir à la quincaillerie le désespère, l’école l’ennuie.
Camille a douze ans. Ses parents décident de l’envoyer à Paris à la pension Savary, située Boulevard de Passy tout proche de ses grands-parents paternels. Après cinq années d’études durant lesquelles le directeur l’a encouragé à cultiver ses dons pour le dessin, il est de retour à Charlotte Amalie où il retrouve le magasin familial.
Camille ne prend intérêt à aucune des tâches successives qui lui sont confiées, il peint autant qu’il lui est possible, souvent la nuit. Sa rencontre avec le peintre danois Fritz Melbye est décisive : il part avec lui au Vénezuela en 1852. En 1854, il revient à Charlotte-Amalie épuisé et sans le sou, il était là-bas presque mendiant mais il rapporte dans ses bagages de nombreuses œuvres.
Il retrouve à nouveau sa vie de commerçant, Frédéric a besoin de lui : ses deux frères Moïse et Aaron sont morts durant son séjour au Venezuela.
En 1855, avec les premiers conflits, prémices de la guerre de sécession, Rachel décide de réaliser son rêve : partir pour la France y retrouver se fille Abigael Delphine, malade, qui a été envoyée à Paris pour se faire soigner. Une fois les affaires stabilisées, Frédéric, Camille et Alfred la rejoignent. La famille s’installe rue de la pompe dans un grand appartement.
En 1860 Rachel embauche une aide cuisinière de vingt ans, Julie Vellay, fille d’un ouvrier viticole de Bourgogne. Elle devient la compagne de Camille. La mésalliance affecte fortement ses parents : Frédéric lui coupe les vivres, Rachel, oubliant ses propres difficultés pour se marier, s’oppose et s’opposera toujours au mariage.
Julie met au monde trois enfants, Lucien né en 1863 (U1903), Jeanne dite Minette en 1865 (U1874), Adèle Emma en 1870 morte à 15 jours.
Frédéric décède en 1865.
En 1866 Camille et Julie s’installent à Pontoise. Camille fait souvent appel à son ami le Docteur Gachet, qui demeure à Auvers, pour soigner la petite Minette. Ils quittent Pontoise pour Louveciennes. En 1870 ils s’exilent à Londres, Camille y retrouve Monet et Daubigny. En 1871 ils se marient à Croydon, Julie est enceinte de George-Henri (U1961). A leur retour à Louveciennes l’atelier a été pillé et il ne reste à Camille qu’une quarantaine de toiles sur les mille cinq cents qu’il avait peintes.
La première exposition impressionniste de 1874, est l’année de naissance de son fils Félix (U1897). En 1878 nait Ludovic-Rodo (U1852), son prénom est un hommage au peintre Ludovic Piette, grand ami de Camille. En 1881 nait Jeanne dite Cocotte (U1948).
En 1882 Camille et Julie s’installent à Osny près de Pontoise, et en 1884 avec l’aide financière de Monet, ils achètent une maison à Eragny-sur-Epte (dans l’Oise). Paul Emile vient de naître (U1972).
Rachel décède en 1889, elle a 94 ans. Parmi tous ses enfants seuls Alfred et Camille lui survivent. Camille ne fera aucun portrait à l’huile de sa mère, seulement quelques dessins et une gravure qui la représente sur son lit de mort.
Camille meurt à Paris le 13 Novembre 1903, 1 Boulevard Morand, d’où il voulait peindre le pont d’Austerlitz : les dernières années de sa vie étaient consacrées uniquement à des vues de Paris et à la recherche des vibrations de la lumière tout comme il le faisait déjà dans son enfance pour les paysages de son île.
Camille Pissarro est enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris, dans le caveau familial.
Et encore quelques images de la famille
POSTFACE
Parmi les fils de Camille Pissarro, cinq seront peintres, Lucien, Georges Henri, Félix, Ludovic, et Paul Emile, ainsi que le fils et le petit fils de Jeanne dite Cocotte : Claude Bonin-Pissarro né en 1921 et Frédéric Bonin Pissarro né en 1964 qui vit aux Etats Unis.
Ladyn'bird2 - Frédéric Bonin Pissarro
Et en dehors de la famille, quelques coups de cœur de portraits et scènes de vie
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