Le petit Albert est assis au bord de la Garonne, à Bordeaux, là où il est né. Il ne joue pas avec les autres enfants, il reste à l'écart. Il a un handicap : un pied-bot qui le fait claudiquer. Sa myopie a-t-elle été décelée ? Porte-t-il déjà des petites lunettes rondes ? Pour moi cela le rend attachant mais pour des petits garnements c'est l'objet de moqueries supplémentaires. Alors, le petit Albert, délaissé et silencieux, s'attache à la vie du port, au chargement des bateaux, au déplacement des grues, au va et vient des passants, aux reflets dans l'eau.
En classe, Albert est encore la risée de ses camarades : cela n'incite pas à être bon élève. Il s'isole et parsème livres et cahiers de croquis Son père tempête : "Tu finiras sous les ponts" , mais sa mère le comprend, reconnait ses dons pour le dessin. En 1892, elle décide de partir à Paris afin qu' Albert entre à l'Ecole des Arts Décoratifs. Pour assurer la subsistance de la famille elle prend une boutique de broderies. Les élèves surnomment Albert "l'English". Parmi eux se trouve Matisse. Il a six ans de plus qu'Albert, il prend sa défense et lui évite d'être le souffre-douleur de l'atelier.
Tous deux intègrent ensuite l'école des Beaux Arts dans l'atelier de Gustave Moreau. Albert y peint des nus, mais très vite il s'éloigne de l'académisme et dès 1898, utilise, en précurseur, des couleurs pures.
ci-contre, "Nu dit fauve" 1898
1905 : C'est la première fois que le salon d'automne a lieu au Grand Palais. Ingres, Manet, Renoir, bénéficient d'une rétrospective. Cézanne est présent. Le Douanier Rousseau expose son "Lion ayant faim se jette sur l'antilope". Dans une salle sont accrochées des peintures de Laprade, Camoin, Vlaminck, Derain... et Marquet. Matisse présente sa "Femme au chapeau". Pour les critiques ce sont des barbouillages, des peintures de fous aux couleurs criardes. Informé, Emile Loubet, Président en fin de mandat, refuse d'inaugurer le Salon.
Dans cette même salle contestée, trône un torse d'enfant et un petit buste en marbre, dans un style Renaissance italienne, du sculpteur Albert Marque (Albert MARQUE qu'il ne faut pas confondre avec Marquet sera aussi le créateur d'une tête de poupée qui obtiendra un grand succès. Elle est aujourd'hui très recherchée par les collectionneurs ). Le critique Louis Vauxcelles s'écrie "Donatello au milieu des fauves" . Le qualificatif "fauve" est resté, le mot fauvisme devait apparaître plus tard pour désigner à la fois le groupe et son art.
En 1906, sur les conseils de son ami Camoin, Marquet part peindre au Havre avec Dufy. Il redécouvre la vie d'un port, l'eau, les reflets. Il adoucit sa palette, privilégie les gris.
Il expose à la Galerie Druet en 1907. Les collectionneurs russes Morozov et Chtchoukine lui achètent des toiles. C'est la raison de la présence de nombreuses œuvres de Marquet au Musée de l'Ermitage et au Musée Pouchkine . Il sera d'ailleurs invité à Moscou en 1934.
Il se marie tard, à la cinquantaine avec Marcelle Martinet de vingt ans sa cadette. Il a rencontré Marcelle à Alger où il passe tous les hivers sur les conseils d'Elie Faure, son ami médecin, écrivain et collectionneur.
Chaque année, et jusqu'à sa mort, il voyage beaucoup de ports en ports : Londres, Tanger, Barcelone, Oslo, Stockholm, Alger, Rotterdam… "il se sentait partout chez lui où il y avait de l'eau et des bateaux" écrira Marcelle.
diaporama
Mais Marquet aime aussi intensément Paris et les quais de la Seine. Le présage de son père ne se réalisera pas : il ne dort pas sous les ponts, il les peint vu de haut, installé en étage dans différents ateliers. C'est sa particularité : traiter le paysage en vue plongeante. Paris est gris, c'est la réalité, Marquet l'interprète en camaïeux : le gris de la Seine s'accorde au gris des façades, des toits, des rues, du ciel.
diaporama
Quai des Grands Augustins 1906 - Quai Saint Michel avec fumée 1909 - Vue de Notre Dame 1928
C'est une peinture sobre et élégante. Quelques lignes noires soulignent un quai ou un pont. Les petits personnages sont extraordinaires : vus de près ils sont construits d'un trait de pinceau spontané, de loin ils apparaissent vivants, animent merveilleusement le paysage.
Comme pour affirmer sa passion de l'eau, des ports et des bateaux, Marquet n'acceptera comme récompense que le titre de "peintre officiel de la marine".
La sincérité qui émane des tableaux de Marquet rend cette exposition très attachante. Marquet regarde, et peint, tout simplement.
Albert MARQUET - 1875-1947 - Né à Bordeaux, décédé à Paris. Repose au cimetière de la Frette sur Seine (Val d'Oise)
Ci-contre, "Les persiennes" 1945, une de ces dernières toiles
Mon coup de cœur dans cette exposition - "Les hangars du port de Bougie" Algérie 1929
Mais on pouvait voir aussi, et entre autres dessins et tableaux (l'exposition comporte une centaine d'oeuvres) ...
diaporama
(Sofia 1941 - Paris 2011)
Jusqu'au 18 septembre, une salle du MAM est consacrée à ce peintre, pionnier de la Nouvelle Figuration.
Jacques Grinberg peint "des œuvres au langage politique violent, antibourgeois et antimilitariste qui dénoncent la censure, l'oppression mais aussi la solitude ou l'enfermement. Jacques Grinberg qui signait Jacques, était aussi bien marqué par les idées communistes de ses parents que par la tragédie des camps nazis".
Cette présentation de quelques œuvres majeures du peintre est organisée à l'occasion de l'acquisition d'une œuvre par le musée et d'une donation par les enfants de l'artiste et par des collectionneurs.
La salle 14bis dédiée à Jacques Grinberg se trouve au niveau de la collection permanente du Musée.
Association l'Homme Bleu
http://www.jacquesgrinberg.com
diaporamas
Sans titre 1980 - Pax 1990 - Guerre d'Irak 1992