Anselm KIEFER - Grand Palais Ephémère - Janvier 2022

En entrant dans l'espace du Grand Palais Ephémère, je suis ébahie et un instant immobilisée : les grands châssis intensément éclairés m'écrasent de leurs puissances expressives et flamboyantes... je suis une toute petite chose.  Je sais que leurs sujets est l’holocauste, Anselm Kiefer continue de questionner mémoire et oubli, passé et futur :   "Qui dit que tout est mort pour nous quand notre œil s’éteignit ?  Tout s’éveilla, tout commença" - Paul Celan.    

Les dix-huit châssis immenses sont répartis sur toute la surface, accolés dos à dos deux par deux, et un dix-neuvième, huit mètres sur quinze, apparait au fond de l’espace face à l’entrée.

Le bas des tableaux est riche d’une pâte mêlant paille, tissu, cendre, verre, plomb, brulures. Il y a des bunkers, des ruines (Kiefer a recyclé certains de ses grands paysages terrestres, parfois peints il y a plusieurs années). Des bombes éclatent, des champs sont dévastés couverts de neige glacée, mais la vie commence à renaître avec les fougères, les champignons, les feuilles d’or, les éclats de laques orangées, alors que les pavots séchés nous disent de ne pas oublier.   

Kiefer rend hommage à celui qui est considéré comme l’un des plus grands poètes de langue allemande du XXe siècle. « Qu’est-ce que je peux faire pour vénérer le poète » se demande Anselm Kiefer, « utiliser mes tableaux comme une ardoise. Je voulais être une ardoise pour Paul Celan ». Alors Kiefer intègre à ses tableaux des poèmes de Paul Celan, ou des extraits, inscrits à la craie blanche sur des fonds gris.

Paul Celan a influencé fortement l’œuvre de Kiefer. Né en Roumanie à Cernauti (aujourd’hui Tchernivtsi, en Ukraine), poète de l’horreur, son œuvre est marquée par l’Holocauste. Ses parents déportés dans un camp de Transnistrie en 1942, meurent, son père du typhus, sa mère d’une balle dans la nuque. Il est lui-même interné dans un camp de travail en Moldavie et sera libéré par les Russes en 1944. Paul Celan s’est suicidé en se jetant dans la seine depuis le pont Mirabeau. C’était le 20 avril 1970, il avait cinquante ans.

Cette visite qui m'a fortement émue, tout comme celle de Monumenta de Boltanski en 2010, s'est faite dans  une atmosphère de recueillement :  pas un son, pas un murmure, pas un bruit de pas... le silence qui suit un cataclysme. 

Liens : Article sur Kiefer - Voir ou Revoir 2016

           Monumenta Boltanski - Voir ou Revoir  2010

Cendres des puits d'Accra

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Gamelle de fous

Lendemain rétif

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La seule lumière

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Les épis de la nuit naissent aux cœurs et aux têtes

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A la pointe acérée

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Le secret des fougères

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Pour Paul Celan - Le secret des fougères

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Volées de cognées

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Le chant des frères étranges

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Imagine-toi - les soldats des marais

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Au dernier portail

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Avec ce magnifique tableau de 13,3 m sur 3,8 m, Anselm Kiefer associe le titre d'un ouvrage de Madame de Staël, et une vue de l'ancien aéroport de Berlin - le Tempelhof - (pendant la Seconde guerre mondiale, Tempelhof accueille un camp de prisonniers et entre 1948 et 1949, au moment du blocus de Berlin, il est utilisé par les Américains et les Britanniques comme pont aérien pour ravitailler Berlin-Ouest).

Kiefer rappelle que le Romantisme a été détourné par le régime nazi mais a aussi changé la sensibilité et la politique au-delà de ses frontières. Les champignons portent des étiquettes aux noms des grandes figures de l'époque romantique allemande. 

Madame de Staël : de l'Allemagne

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A l'infixe

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Sur la falaise - pour Paul Celan

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Comme une arche, elle a quitté la route

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AVION

L'avion en plomb est un paradoxe, il ne peut pas voler. Il est criblé de pavots qui nous disent selon Kiefer : "Souviens-toi, souviens-toi, souviens-toi toujours". Le recueil de poèmes de Paul Celan "Mohn und Gedächtnis" (Pavot et mémoire) donne son nom à cette création.

Sur les ailes, les livres de plomb nous rappellent peut-être qu'il est inutile d'aller dans les airs pour s'envoler. Kiefer possède une bibliothèque considérable, c'est un lecteur assidu.

Anselm Kiefer raconte : "Ces bunkers, alignés de part et d'autre du Rhin, m'ont fasciné depuis que nous les utilisions enfants comme vestiaires avant de nous baigner dans le Rhin. Avec leurs murs épais, avec leur masse de béton, ils sont comme des archétypes d'une architecture inversée et pervertie, ils écrasent l'intérieur plutôt qu'ils ne le protègent".

En 1969 Anselm Kiefer réalise Besetzungen (Occupations), une série d'actions photographiées en France, en Italie et en Suisse. Au Grand Palais Ephémère, Kiefer, présente, enfermés dans un grand conteneur en acier, des tirages photographiques de l'action Occupations montés sur plomb.

Cette exposition s'est déroulée du 17 décembre au 11 Janvier 2022. 

Vu aérienne du Grand Palais Ephémère - Photo Wilmotte

Comments

[Christine]

Merci mimi, je m'imagine aussi devant ces tableaux immenses qui nous disent l'horreur nazie que nous n'avons pas connue... une terre dévastée, des vêtements sans corps qui ont été brûlés gravés dans une matière sombre et lumineuse. et pourtant, selon une expression québecquoise: "le vent souffle fort sur les vivants".

[Mireille DENIS MALHERBE]

Merci Michèle pour ce reportage qui m'a fait redécouvrir la beauté du monde de Georgia O'KEEFFE