Le musée de l'Orangerie se trouve sur la terrasse des Tuileries qui domine la seine. Il a été entièrement réhabilité en 2006 et rattaché au musée d'Orsay depuis 2010. Il abrite de façon permanente "Les nymphéas" de Monet.
Jusqu'au 21 janvier 2013, vingt deux tableaux de Chaïm Soutine réunis par Paul Guillaume et conservés par le musée de l'Orangerie constituent le centre d'une très belle rétrospective du peintre.
BIOGRAPHIE
Soutine est né en 1893 à Smilovitchi, près de Minsk (Bielorussie). Son père est tailleur, la famille est pauvre. Soutine vend des objets de la maison afin de s'acheter de quoi dessiner, ce qui lui vaudra quelques raclées. Toutefois il semble que d'autres témoignages indiquent que la famille de Soutine était constituée de petits commerçants plutôt aisés et fiers des talents du garçon, dixième d'une fratrie de onze. Il quitte son village à 12 ans pour apprendre le métier de tailleur chez son oncle à Minsk.
A Minsk il devient l'ami de Michel Kikoïne (1892-1968) qui partage sa passion pour le dessin et la peinture. Le professeur de l'école de commerce conseille de diriger Soutine vers les beaux-arts (ce qui laisserait à penser que la théorie d'une famille plutôt aisée serait la bonne). En 1910 Soutine entre à l'école des beaux-arts de Vilnius (capitale actuelle de la Lituanie). Kikoïne suit les cours avec lui et ils font la rencontre de Pinchus Krémègne (1890-1981).
Krémègne fuit la Russie en 1912 et s'installe à la Ruche (passage Dantzig- Paris XVè) proche des abattoirs de Vaugirard.
"La Ruche" est un ensemble de pavillons (divisés en quartiers rappelant les alvéoles d'une ruche) rachetés par le sculpteur Alfred Boucher pour aider les jeunes artistes pauvres. 140 ateliers abritent 200 locataires souvent originaires d'Europe de l'est.
Soutine et Kikoïne rejoignent Krémègne en 1913, Soutine s'installe avec Krémègne et s'inscrit aux beaux-arts de Paris.
A la mobilisation en août 1914 Soutine se porte volontaire comme terrassier pour les tranchées mais il est rapidement réformé à cause de son état fragile. Il obtient alors, en tant que russe, le statut de réfugié.
A la Ruche, Soutine rencontre Modigliani et à partir de 1916 partage avec lui un atelier cité Falguière (là aussi sont mis à la disposition des artistes peu fortunés, des ateliers aux loyers modiques). Les conditions sont aussi médiocres qu'à la Ruche, les punaises pullulent.
Modigliani présente Soutine à son marchand Zborowski qui lui assure une rente de 5 francs par jour. En 1918 les deux amis séjournent à Vence et Cagnes-sur-Mer aux frais de Zborowski. Cette même année les privations et l'alcool déclenchent chez Soutine les premières douleurs à l'estomac.
En 1920 la mort de Modigliani marque profondément Soutine, mais c'est aussi une période de création prolifique.
En 1922-23, trois rencontres transforment la vie de Soutine, d'abord celle d'Albert Barnes, médecin et collectionneur qui lui achète une soixantaine de toiles, puis Paul Guillaume, marchand d'art, et les Castaing, riche couple de collectionneurs qui deviendront ses mécènes.
L'année 1925 naît l'expression "Ecole de Paris" qui regroupe tous les artistes souvent juifs qui sont exilés à Paris (Chagall, Picasso, Pascin, Modigliani, Foujita).
De 1923 à 1943, Soutine sera exposé à Paris, Londres, Nerw-York, Chicago, Washington.
En 1937 Soutine rencontre Gerda Groth, à la déclaration de guerre il sont à Civry-sur-Serein dans l'Yonne.
Pour sa santé, Soutine doit rentrer à Paris , il est arrêté dans le train par la police française. Il sera libéré grâce a son ami Léon Zamaron, commissaire de police à la retraite (en cette période secourir un juif était particulièrement courageux ). Gerda, allemande, sera internée au camp de Gurs (camp de concentration français dans les Pyrénées atlantiques). Elle survivra, se cachera mais ne reverra plus Soutine.
Soutine se cache à Champigny-sur-Veude près de Tours avec Marie-Berthe Aurenche qui fut mariée avec Max Ernst.
Les conditions de vie précaire aggravent son ulcère à l'estomac, mais il peint toujours. En août 1943 il est reconduit à Paris pour être opéré (dans un corbillard, selon Chana Orloff,seul véhicule qu'on ait trouvé). Il décède le 9 aoüt. Il est enterré au cimetière Montparnasse, Picasso sera l'un des rares à suivre son enterrement.
L'EXPOSITION
Elle se déroule par thème, ce qui rejont l'esprit de Soutine qui travaillait de façon sérielle.
Ce que j'ai particulièrement aimé :
LES PAYSAGES - Céret, Vence Cagnes, Champigny-sur-Veude.
Une peinture tourmentée, en mouvement , pâte épaisse et vibrante, les maisons , les arbres, les rues se tordent.
Coup de coeur pour cette dernière
LES CARCASSES DE BOEUFS
Soutine réinterprète Rembrand pour lequel il avait une grande admiration, mais ne travaille pas d'après des reproductions, il lui faut le modèle vivant (si l'on peut dire !). La carcasse de boeuf est ramenée dans l'atelier de Soutine, qui ne pouvant s'en offrir une seconde, l'arrose de sang quand elle devient noire. L'odeur pestilentielle provoque l'arrivée de la police.
La grande toile de 1925 (Musée de Grenoble 202x114cm) force au recueillement, elle est proche du religieux, la matière est vivante, le rouge sang pourrait encore couler, on ne peut s'empêcher de penser à une crucifixion.
Dans "Escaliers rouges" (1923-1924) 73x54cm, Soutine transforme l'escalier en lune longue dégoulinure de sang qui rappelle ses carcasses.
NATURES MORTES - LAPIN ET VOLAILLE
En 1942, dans l'Indre, c'est l'odeur des volailles en décomposition qui alertera les voisins et les gendarmes.
Soutine a raconté un souvenir d'enfance : "j'ai vu le boucher du village trancher le cou d'une oie et laisser s'écouler le sang, je voulais crier mais son air joyeux me nouait la gorge ... ce cri je le sens encore là ... Lorsque je peignais une carcasse de boeuf, c'était toujours ce même cri dont je voulais me débarasser. Je n'ai pas encore réussi!".
Ce cri semble toujours là dans "le lapin" 1923-1924
LES GLAIEULS.
Superbe série, dramatique aussi par la torsion des fleurs, leur flétrissement
LES PORTRAITS
Les plus connus de Soutine sont exposés : "Le petit patissier", "le groom", "l'enfant de choeur" ....
Un que je ne connaissais pas m'a beaucoup touché "l'enfant à la poupée" ....une certaine ressemblance avec ma Marraine née en 1910.
Une des plus belles expositions à Paris en ce moment, si vous êtes dans la région parisienne, courrez vite ! Il n'y a pas trop de monde, contrairement à certaines autres, on a le temps d'admirer sans être bousculé.