"Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". "Tout le monde il est ami" a été et est le prétexte pour associer Picasso et Giacometti au Musée Picasso, Braque et Laurens au Musée de l'Annonciade à Saint-Tropez, Derain, Balthus et Giacometti au Musée d'Art Moderne. Entre ces peintres il y a eu des rencontres, des liens artistiques, des partages d'ateliers, des relations communes, parfois de l'admiration, mais les liens de pure amitié sont-ils toujours certains ?
Je retrouve, au Musée d'Art Moderne, Derain, Balthus et Giacometti.
Giacometti et Balthus se rencontrent dans les années 1925 à la "Grande Chaumière", Giacometti a 24 ans (il est né à Borgonovo rattaché à Sampa en Suisse), Balthus à 17 ans (Pseudonyme de Balthasar Klossowski, né à Paris en 1908). En 1933, ils font la connaissance de Derain (né à Chatou en 1880), déjà célèbre, de vingt ans leur ainé.
La justification de la réunion de ces trois artistes tient principalement à la proximité des sujets qu'ils ont abordés : le portrait, la nature morte, les ateliers, le rêve. Ils ont eu également des modèles communs, Laure de Noailles, Sonia Mossé, Isabel Nicholas. Ils se sont tous trois intéressés aux maîtres anciens, ont copié leurs œuvres. Pierre Colle a été leur marchand, Pierre Matisse (le fils d'Henri), installé à New-York, leur a procuré une ouverture internationale.
Ce genre de rapprochement pourrait se faire pour beaucoup d'autres artistes. Il y a toutefois un lien particulier entre ces trois-là : leur peinture est empreinte d'un certain réalisme à contre-courant de leur époque marquée par le cubisme et le surréalisme qu'ils ont parfois abordés mais dont ils se sont rapidement détachés.
Les trois artistes ont travaillé pour le théâtre. Derain de 1919 à 1953 participe à une vingtaine de créations, décors et costumes. L'Enlèvement au Sérail de Mozart en 1951 et Le Barbier de Séville de Rossini en 1953 seront ses dernières réalisations. En 1935, Balthus collabore à la création des Cenci d'Antonin Artaud et à l'Etat de siège de Camus, mis en scène par Jean Louis Barrault. Giacometti conçoit le décor minimaliste d'En attendant Godot.
Une découverte : les illustrations de Balthus pour le livre "Les hauts du Hurlevent".
Une exposition assez captivante et le bonheur de voir les œuvres de Giacometti. J'ai un attachement de longue date pour lui. La fragilité qui apparait dans ses sculptures et la recherche, dans ses portraits, non pas de l'apparence mais de l'âme, me touche profondément. J'y retrouve aussi la solitude, ne sommes-nous pas au fond toujours seuls, seuls dans notre tête, seuls face à la mort ? Giacometti redoutait cette mort la nuit dans le noir, il dormait le jour. La fragilité avouée de cet homme beau et fort aide à accepter ses propres peurs.
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Derain, L'Artiste et sa famille 1920-21 - Balthus, Le Roi des chats 1925 - Giacometti Autoportrait 1920 -
Derain Le Massacre des Innocents d'après Brueghel 1947 - Balthus, La Légende de la Sainte Croix d'après Piero Della Francesca 1926 - Giacometti - Le Christ et la Samaritaine d'après Rembrandt non daté.
DERAIN - Les baigneuses 1908. Comment ne pas penser à Cézanne et à ses Grandes Baigneuses de 1865.
GIACOMETTI - La femme qui marche
La Rue - 1933 - est le premier tableau grand format de Balthus (MOMA New-York). "Ce tableau étonnant pourrait marquer le stade intermédiaire entre l'évasion dans le rêve et le retour, par l'étape du somnambulisme, à la réalité de demain" Antonin Artaud
En 1934 Giacometti sculpte "Une tête cubiste", et en 1936 "La petite tête de Diego"
Trois natures mortes
Chez Derain le repas est solide, ce qui semble fruit ou légume est de la même matière que le pot ou le bol. Pour Balthus la lumière irradie sur les objets de verre, mais la fourchette pique, le couteau tue et le marteau brise. La pomme de Giacometti est toute petite, posée sur une grande table, perdue dans l'espace linéaire, avec pour seule compagnon aux formes arrondies, un petit bouton de tiroir.
DERAIN - La Nièce du Peintre - 1931
De loin, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une toile de Balthus en raison de la pose et de la raideur d'automate que l'on retrouve dans "Les Enfants Hubert et Thérèse Blanchard" de Balthus de 1937
GIACOMETTI, Tête d'Isabel 1938 - DERAIN, Portrait d'Isabel 1936
DERAIN, Nu assis à la draperie verte 1930/1935 - BALTHUS, La jeune fille à la chemise blanche 1955 - GIACOMETTI, Aïka 1959
La Jeune fille à la chemise blanche de Balthus est le portrait de Frédérique Tisson à 17 ans dont la mère avait épousé, après la guerre, Pierre Klossowski, frère de Balthus. Frédérique Tisson a vécu pendant huit ans avec Balthus à partir de 1954.
Aïka - Détail
Vidéo dans laquelle AÎKA parle de Giacometti - cliquez sur la flèche centrale pour démarrer la vidéo.
Balthus - Illustration pour "Les Hauts du Hurlevent" 1933
Costumes dessinés par DERAIN
GIACOMETTI - Arbre pour le décor d'En attendant Godot
Exposition jusqu'au 27 Octobre 2017