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Voir-ou-revoir

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Mes visites d'expositions, de musées et autres lieux culturels.


"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

Publié par voir-ou-revoir sur 17 Mars 2019, 19:28pm

Catégories : #Expositions à Paris

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

L'exposition qui se tient actuellement au Louvre "Graver pour le roi" a pour intérêt principal de présenter soixante matrices (ou plaques) de cuivre, avec quelquefois les impressions qui en découlent. Ces plaques font partie des 14.000 que possède la Chalcographie du Louvre, institution créée sous le Directoire en 1797.

La chalcographie (du grec Khaklos "cuivre" et graphe "écriture") est, à l'origine, l'art de la gravure sur cuivre. Par extension, elle désigne toute gravure sur métal, mais également l'endroit où sont conservées les épreuves résultant de ce procédé. La Chalcographie du musée du Louvre est née de la réunion de trois collections de matrices gravées :

  • Le Cabinet du roi : c'est le nom que prend l'entreprise de Colbert au milieu des années 1660. Alors surintendant des bâtiments du roi, il fait graver par de jeunes graveurs dirigés par Charles Le brun, premier peintre du roi, les grandes fêtes, les bâtiments du Louvre, des tableaux, sculptures et tapisseries de la Couronne etc.
  • Les fonds des Menus-plaisirs : l'intendant des Menus plaisirs, un service dépendant de la maison du roi chargé de l'organisation des grands événements, commande en 1723 des gravures destinées à conserver la mémoire du sacre de Louis XV. Elles illustraient les principales festivités données à l'occasion, notamment, des mariages princiers et des cérémonies funèbres.
  • La collection de l'Académie royale de peinture et sculpture qui, durant la seconde moitié du XVIIIe siècle a fait l'acquisition d'un grand nombre de planches gravées anciennes en vue de se constituer un important fonds commercial.

Au XVIIIe siècle, les estampes issues de ces matrices permettaient d'être diffusées largement à travers le royaume pour célébrer les fastes et la grandeur du roi. Elles étaient également réunies en livres reliés destinées aux cours étrangères.

Les matrices présentées sont surtout exécutées au burin et de dimensions  impressionnantes, (rappelons que l'exercice du burin est une technique de gravure en taille douce ardue qui demande un apprentissage et une énorme attention et patience) elles fourmillent de minuscules détails merveilleusement exécutés, c'est un travail d'orfèvre stupéfiant.

Certaines grandes estampes sont constituées de plusieurs matrices. Les épreuves sont ensuite accolées les unes à côté des autres.

Une très grande difficulté à photographier les matrices extrêmement brillantes, je n'ai pu capter que quelques détails.

Atalante courant - Restauration au 17e siècle. Tête et corps antiques. D'après un original grec du 2e siècle av J.-C. Ancienne collection Mazarin

Atalante courant - Restauration au 17e siècle. Tête et corps antiques. D'après un original grec du 2e siècle av J.-C. Ancienne collection Mazarin

Claude Mellan - 1598-1688 - Burin sur cuivre aciéré 1671 - Statue en marbre d'une jeune chasseresse

Claude Mellan - 1598-1688 - Burin sur cuivre aciéré 1671 - Statue en marbre d'une jeune chasseresse

Détail d'une plaque

Détail d'une plaque

Détail et son tirageDétail et son tirage

Détail et son tirage

Les plaques exposées sont toutes aciérées (en fait le terme est erroné on ne peut déposer de l'acier - qui est un alliage - sur du cuivre), raison pour laquelle elles ont perdu leur couleur cuivrée et sont devenues grises. Le procédé consiste à plaquer une couche de fer d'une épaisseur microscopique pour permettre une plus grande quantité de tirages sur papier.

A noter que les plaques peuvent être "désaciérées" facilement et retrouver leur état initial.

Cet aciérage n'a évidemment pas été pratiqué à l'époque de Louis XIV, le procédé a été mis au point par MM. Salmon et Garnier en 1855. Il eut immédiatement un grand succès, l'impression des plaques étant parfaites et permettant un grand nombre de tirages. M. Jacquin fit l'acquisition du brevet et fut longtemps seul à la tête de cette industrie.

L'aciérage a permis au musée du Louvre d'éditer nombre de ces planches durant plus de deux siècles. Il a décidé désormais de ne plus les exploiter et de les considérer comme de véritables œuvres d'art, ce qu'elles sont en fait.

Une exposition à ne pas manquer pour admirer les superbes matrices et les très beaux tirages. Un bémol pour la présentation de la technique, fort succincte, qui se borne à exposer sous vitrines quelques outils, crayons, pastels et autres.

La technique de la gravure étant encore très méconnue par le grand public, il aurait peut-être été intéressant (le Louvre en a les moyens),  d'exposer une presse taille-douce et de montrer quelques images de la pratique du burin,  

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

des images d'un encrage et d'un tirage d'une plaque - ou une vidéo professionnelle,

celle ci-dessous est un modeste exemple

ainsi que des explications sur l'aciérage :

Une feuille de fer pur et la plaque de cuivre à "aciérer" sont immergées à l'opposé l'une de l'autre dans une solution d'électrolyse formée d'eau distillée et de chlorure d'ammonium. L'une des plaques est suspendue à un pôle positif et l'autre à un pôle négatif, les deux pôles étant reliés à une source de courant continu. Lorsque le courant passe les ions de fer (charge positive - anode) sont enlevée et vont vers l'élément de cuivre (charge négative -cathode).

ou une vidéo professionnelle, voir celle des Atelier Moret : cliquez ci-dessous

Aciérage Atelier Moret Taille-doucier Paris

Quelques œuvres exposées

Jan Van Huchtenburg (1647-1733) - d'après Adam Frans Van der Meulen (1632-1690)

Marche du Roi accompagné de ses gardes passant sur le Pont Neuf pour se rendre au Palais de l'Ile de la Cité. Il est passionnant de s'attarder aux détails, les bateaux sur la Seine, les immeubles, le Louvre...

Eau-forte sur cuivre aciéré en trois matrices - estampe colorée -  65x100cm -  les trois morceaux collés sur un montage :

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019
détail central

détail central

détail matrice cuivre aciéré et estampe coloréedétail matrice cuivre aciéré et estampe colorée

détail matrice cuivre aciéré et estampe colorée

Marque centrale de la juxtaposition des estampes

Autre estampe qui m'a tout autant intéressée :

Représentation des machines qui ont servi à élever les deux grandes pierres qui couvrent le fronton principal de l'entrée du Louvre  

Sébastien Leclerc - 1637-1714 - eau forte et burin 1676

 

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019
"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019
"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

Charles Nicolas Cochin fils (1715-1790)

Pompe funèbre d'Elisabeth Thérèse de Lorraine, reine de Sardaigne en l'église de Notre-Dame de Paris le XXII septembre 1741 (67x46cm) - eau forte et burin

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019
détail dessin plume, lavis gris et encre brune et grise  - détail estampedétail dessin plume, lavis gris et encre brune et grise  - détail estampe

détail dessin plume, lavis gris et encre brune et grise - détail estampe

 détail dessin plume, lavis gris et encre brune et grise  -  détail estampe détail dessin plume, lavis gris et encre brune et grise  -  détail estampe

détail dessin plume, lavis gris et encre brune et grise - détail estampe

A gauche - Atelier de Nicolas Poussin - plume et encre brune, lavis gris, rehaut de blanc sur papier beige

A droite - Jean PESNE (1623-1700) d'après Nicolas Poussin - Eau forte sur cuivre aciéré 1675-1678

Chiron enseigne Hercule à tirer à l'arc

 

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

Johann Georg Preissler (1757-1831) d'après Joseph Marie Vien

Dédale et Icare

Eau forte et burin sur cuivre aciéré 1787

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

Carlo Antonio Porporati (1741-1816) d'après J.Baptiste Santerre -

Suzanne au bain - eau forte et burin 1773

"Graver pour le roi" - Musée du Louvre - mars 2019

NOTA  - Lorsqu'il est indiqué comme technique eau forte et burin, cela veut dire que le graveur a mis en place sur la plaque les masses sombres qu'il a traités légèrement à l'eau-forte avant de travailler au burin.

RAPPEL DE LA TECHNIQUE DE L'EAU FORTE

                Eau forte = Acide (nitrique pour le zinc - Perchlorure de fer pour le cuivre)

 

          EAU FORTE AU TRAIT

 

La plaque de métal est recouverte d’une couche de vernis dur. Le graveur dessine avec une pointe d’acier qui découvre le métal sans l’accrocher. La plaque est plongée dans un bain d’acide qui attaque les parties découvertes, c’est la morsure. L’artiste enlève le vernis, puis encre la plaque comme pour la gravure directe. L’eau forte permet des effets très nuancés et est souvent associée à l’aquatinte, à la pointe sèche, au burin.

 

 

          EAU FORTE A L'AQUATINTE  

 

Cette technique permet d’obtenir des masses aux valeurs nuancées. Le graveur saupoudre la plaque de grains de résine (colophane), de manière plus ou moins dense. La plaque est chauffée afin que la résine y adhère. Les surfaces devant conserver le blanc du papier seront protégées par un vernis. Puis la plaque est plongée dans un bain d’acide qui attaque le métal entre les grains de résine et crée une surface plus ou moins mordue suivant la durée du bain (plus ou moins noire à l’impression). En variant les qualités du grain, la force de l’acide et la durée de la morsure, on influe sur l’intensité des zones de dégradés.

EXPOSITION du 21 FEVRIER AU 20 MAI 2019 - A NE PAS MANQUER

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R
Merci chère Michèle de compléter ici nos connaissances hésitantes sur la gravure. Je n'ai pas oublié, bien sur, vos articles remarquables sur ce sujet (origines de l'estampe, Callot ...) . Les méga-planches destinées aux Rois sont particulièrement impressionnantes. Merci pour la leçon "aciéré"et pour le reportage sur un tirage (le final est adorable; les mains actives l'étaient tout autant). Merci encore chère Michèle.
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C
Merci Michele ,pour moi la debutante en gravure ,c est bien entendu une decouverte enrichissante <br /> Amitie cecile
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M
Merci Michèle, la vidéo de l'aciérage est passionnante! Je me demandais comment on faisait justement...et que de détails sinon dans ces grandes gravures...
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D
Epoustouflant !<br /> <br /> Je peux attester des talents pédagogiques de Michèle : dommage que le Louvre les ignorent car il aurait suffit de confier l'organisation de la présentation technique à Michèle pour que l'expo soit par<br /> parfaite :)
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L
La spécialiste que tu es s'est réjouie face à tous ces trésors !
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A
C'est un univers fascinant que tu ouvres ici, j'ignorais complètement ces techniques et tout le travail que cela demande. Tes explications et les vidéos sont passionnantes, j'adorerais voir "en vrai" et le résultat, si pur, si fin est extraordinaire. Merci Michèle.
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