Au Louvre, l'exposition "De l'Allemagne 1800-1939 - De Friedrich à Beckmann" nous offre à voir ou revoir un choix fort riche d'oeuvres variées s'échelonnant sur une période de plus de 100 ans. Elle souhaite aussi nous voir approfondir notre vision, par rappel de l'évolution de la pensée allemande, d'éléments de son histoire, sa littérature, sa politique.
Il m'est très difficile de résumer en quelques lignes un sujet aussi vaste : je me contenterai donc de noter ici quelques repères et éléments essentiels.
Le titre "De l'Allemagne" est emprunté à Mme de Staël. Après un voyage en Allemagne, Anne-Louise Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein (1768-1817) écrit un manifeste romantique pour casser les préjugés des français à l'égard de leurs voisins allemands. Le livre est interdit et mis au pilon en 1810 par Savary, Ministre de la police, Napoléon n'appréciant pas la critique que Mme de Staël fait de l'esprit de conquête. (le livre sera publié à Londres en 1813 et à Paris en 1814).
Deux personnalités influencent la production artistique du XIXe en Allemagne, Winckelmann et Goethe.
Johann Winckelmann (Stendal 1717 - assassiné à Trieste 1768) historien de l'art, défenseur inconditionnel de l'art grec dans lequel il voit les caractéristiques absolues du beau ; il est l'adversaire du baroque et du rococo. Depuis ses écrits dans la seconde moitié du XVIIIe, l'Allemagne se rêve grecque.
Johann Goethe (Francfort 1749-Weimar 1832), poète, romancier, dramaturge, historien de l'art, homme d'état (il prend la direction des finances en 1782). Il est passionné également de science, de botannique et de géologie. Ses poèmes sont adaptés par Schumann, Mendelssohn, Liszt, Brahms, Wagner (Lied - poème chanté à une voie). Son voyage en Italie, notamment à Rome, en 1786 est considéré comme la naissance du classicisme allemand.
Johann Heinrich Wilhelm Tischbein dans un tableau de 1787 représente Goethe dans un environnement faisant allusion à l'antiquité qui va régénérer l'art de son pays.
Dans la première moitié du XIXe siècle les peintres allemands vont prendre exemple sur Raphaël, le Perugin, les gravures de Dürer et Martin Schongauer, mais aussi Fra Angelico : entre autres Gottlieb Schick, Franz Pforr, Carl Gustav Carus, et le plus connu Caspar David Friedrich.
(La gloire de David Friedrich, mort en 1840, ne durera qu'une dizaine d'années. Il réapparaitra à la fin du XIXe siècle et dans l'entre-deux-guerres durant des études pour retracer une histoire de l'art allemand)
En 1908 un groupe d'artistes se déplace à Rome où, convertis au catholicisme, ils vivent en communauté. Ils sont appelés les "nazaréens". Rome est à nouveau le foyer de la régénération de l'art allemand. C'est le "rêve médiéval", les artistes cherchent à retrouver une certaine pureté.
L'exposition présente les oeuvres par "sections" :
- Apollon et Dionysos (beauté sereine, volupté de l'ivresse)
- L'hypothèse de la nature (paysages des contes populaires des frères Grimm et des poètes romantiques -montagne - ciel étoilé éclairé par la lune, château)
La première guerre mondiale va modifier le regard des peintres. La beauté sereine n'a plus sa place. L'homme devient la préoccupation des peintres.
C'est la section Ecce Homo de l'exposition, à la fois en référence à l'ouvrage de Nietzsche et aux nombreuses représentations de la passion du Christ.
On peut voir des oeuvres de Karl Hofer, Lovis Corinth, Max Beckmann et Otto Dix.
Max Beckmann (1884-1950) est d'abord marqué par les impressionnistes. Son tempérament profondément expressionniste apparaitra vite avec le bouleversement provoqué par la guerre. Les nazis traiteront dès 1932 son réalisme d'art dégénéré. Il devra se réfugier en Hollande puis aux Etats Unis.
Il en sera de même pour Otto Dix (1891-1969), marqué au départ par le romantisme tardif, qui deviendra le représentant d'une nouvelle tendance "la nouvelle objectivité". Lui aussi sera pourchassé, incarcéré, avant de trouver refuge en Suisse.
Johann Tischbein - 1787 - Goethe dans la campagne romaine
huile sur toile - 164;206cm - Francfort, Städel Museum
APOLON ET DIONYSOS
Gottlieb Schick - Apollon parmi les bergers - 1806-1808
huile sur toile - 178;232cm - Stuttgart - Staatsgalerie
Franz Pforr - Saint Georges et le dragon - 1809-1810
Huile sur bois - 27,9;21,2cm - Francfort, Städel Museum
Julius Schnorr von Carolsfeld - Vierge à l'enfant - 1820
Huile sur toile 74;62cm - Cologne - Wallraf-Richartz-Museum
Arnold Böcklin - Le jeu des néréides - 1886
Huile sur toile - 150;176cm - Bâle - Kunstmuseum
L'HYPOTHESE DE LA NATURE
Caspar Friedrich - Femme dans le soleil du matin - 1818
huile sur toile 22;30cm - Essen, Museum Folkwang
Caspar Friedrich - Le Watzmann - 1824-1825
huile sur toile - 135;170cm - Berlin - Staatliche Museen
Caspar Friedrich - l'arbre aux corbeaux - 1822
huile sur toile 59;73cm - Louvre Paris
Caspar Friedrich - Le bateau - huile sur toile
Carl Gustav Carus - Haute montagne - vers 1824
huile sur toile - 136;171 - Essen Museum Folkwang
Philipp Otto Runge - Le repos pendant la fuite en Egypte - 1805-1806
huile sur toile 98;132cm - Hambourg, Hamburger Kunsthalle
ECCE HOMO
Otto Dix - La guerre - Encre aquatinte pointe séche
New-York MOMA
Karl Hofer - Le crieur - 1935
huile sur toile - 113;88cm Wuppertal , Museum Von der Heydt
Lovis Corinth - Ecce homo - 1925
huile sur toile 190;150cm -Bäle, Kunstmuseum
Tableau testament peint quelques mois avant sa mort. Lovis Corinth reduit la scène à trois personnages, mélant les époques (le soldat en armure médiévale, Pilate en blouse de médecin représente la souffrance) Corinth voyait dans la figure du Christ une métaphore de l'artiste, son oeuvre était un appel à l'humanité. Ce tableau figurera en bonne place à l'exposition "d'art dégénéré" de 1937 pour démontrer les errances de l'art moderne.
Max Beckmann - L'enfer des oiseaux - 1938
Huile sur toile 120;160cm - New-York collection particulière.
Beckmann accumule les symboles, l'homme est écorché par des oiseaux à corps de femmes. Les hommes sont devenus des animaux.
Mon coup de coeur -
Caspar Friedrich - Brume dans les montagnes - 1808
huile sur toile 71;104cm - Rudolstadt - Museum Schloss
NOTA - Johann Goeth était aussi dessinateur, il en parlait en disant "mon petit talent", cela ne figure pas dans l'exposition mais il me paraissait intéressant de le noter - dessin de 1807
EXPOSITION JUSQU'AU 24 JUIN - HALL NAPOLEON - MUSEE DU LOUVRE